J’AI MAL, ALORS C’EST GRAVE

Pour comprendre ce que l’on nomme douleur, voici la définition officielle de l’Association Internationale pour l’Étude de la Douleur (IASP): La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle.

À savoir, l’intensité d’une douleur ou la persistance d’une douleur n’a pas forcément de liens avec la gravité de la pathologie qui la provoque.

PHÉNOMÈNE UNIQUE, PSYCHOSENSORIEL, PLURIDIMENSIONNEL

La douleur est un phénomène conscient, à la fois universel et intime. Tout le monde sait ce qu’est la douleur, pourtant la décrire reste très compliqué. L’expérience douloureuse engage l’individu dans sa globalité, impliquant également son système d’intégration influencé par ses expériences, son éducation, sa culture, ses états attentionnels et émotionnels et les circonstances d’apparition. C’est une expérience avant tout subjective et unique. Il est difficile de marquer une limite entre stimulation du corps et la souffrance liée à l’expérience d’un sujet.

La douleur est le signal d’alarme que notre cerveau utilise pour nous prévenir de façon la plus cohérente possible d’un éventuel danger, c’est une prédiction. Le cerveau ne reçoit pas directement la douleur venant des tissus, c’est l’interprétation qu’il fait des éléments reflétant l’état des tissus, associée aux informations qu’il possède de vos expériences et du contexte, qui engendre une expérience douloureuse qu’il juge cohérent de vous faire vivre.

La douleur n’est donc pas seulement le reflet d’une lésion tissulaire, mais l’interprétation que le cerveau fait des éléments tissulaires, du contexte, de l’environnement, des expériences vécues dans le passé.

UNE ALARME ?

Pour comprendre le mécanisme de la douleur, prenons l’exemple de l’alarme incendie de votre cuisine. Vous faites tous les dimanches ce merveilleux moelleux au chocolat. À l’ouverture du four, ça fume toujours un peu, mais rien d’inquiétant, l’alarme ne se déclenche pas, jusqu’au jour où vous oubliez le gâteau dans le four… Aïe… Mais ça arrive, peut-être étiez-vous fatigué ? Une dispute familiale ? Avec votre conjoint(e) ? Votre patron joue avec vos nerfs ? Bref, vous avez raté le gâteau, et l’alarme s’est déclenchée.

Et si on ajoute la sensibilisation périphérique ou centrale ? Pour imager: vous avez mal nettoyé le moule à gâteau, vous en refaites un, tout se passe bien mais l’alarme se déclenche, pourquoi ? Parce qu’il restait déjà un peu de brûlé sur le moule ! Pas de panique, un coup de nettoyage et il est comme neuf. Ça, c’est la sensibilisation périphérique.

Qu’en est-il de la sensibilisation centrale ? Et bien cette fois, le moule à gâteau est neuf, aucun risque que l’alarme se déclenche, on sort les ingrédients alors… Mince, l’alarme sonne… Mais je n’ai encore rien fait ? C’est vrai, vous avez raté pas mal de plats dernièrement, elle s’est beaucoup déclenchée, elle en est même sensible à un peu de vapeur. Mais on ne sait pas ce qui l’a déclenchée dans ce cas: le contexte ? Les ingrédients ? Les proportions ? Peut-être serait-il intéressant alors de modifier les ingrédients (le mouvement), les proportions, le contexte, ou encore la façon d’envisager la situation.

QUEL RAPPORT ENTRE CETTE ALARME ET MA TENDINITE ?

C’est simple, la sensibilisation périphérique serait par exemple la propre inflammation du tendon. Alors pourquoi ne pas essayer d’améliorer cette composante avec votre kinésithérapeute par exemple en essayant des techniques de thérapie manuelle, de l’exercice, etc…

Ça fait déjà quelques mois que vous faites des exercices pour votre tendinite ? Ça va mieux, mais vous ressentez toujours une gêne ou douleur résiduelle sur certains mouvements et lors de certaines activités ? Alors il est temps de reprogrammer cette alarme, de voir ce qu’il en est de cette sensibilisation centrale.

PAR EXEMPLE…

Au cabinet, j’ai pu voir pas mal de patients douloureux à cause de tendinites etc, chez qui, malgré les exercices, la thérapie manuelle et l’amélioration des douleurs, il reste toujours une douleur résiduelle.

Chez tous ces patients, une chose flagrante: l’appréhension du mouvement, de la reprise d’activité, ou encore la surinterprétation de la douleur.

Un premier patient, après une séance de football, ressent des douleurs sur les bords externes des chevilles, il a subi plusieurs fois des entorses de chevilles, sur les deux… Ah, l’alarme a beaucoup sonné… Il n’a pas consulté pendant deux semaines, durant lesquelles il a beaucoup souffert, incapable de marcher, très inquiet, s’est beaucoup renseigné sur les risques d’opération etc. Première consultation, cette phrase revient: “J’ai trop mal, j’ai quelque chose de grave c’es sûr, sur internet ils parlent d’opération”. Après beaucoup de dialogue, on le rassure avec pédagogie, on tente de lui expliquer au mieux ses douleurs, et déjà, à la sortie, il se sent soulagé. Mais quand même, sa mère lui dit que ce n’est pas normal d’avoir autant mal, il doit aller aux urgences, faire une radio… Sur la radio: rien. Rendez-vous suivant, plus aucune douleur depuis cette radio. Je ne l’ai plus revu en séance, et depuis il va très bien.

Ici par exemple, la peur, l’appréhension suffisent pour perpétuer une douleur qui n’a pas sa place. Les entorses à répétition de ce jeune homme, et donc sûrement la sensibilisation périphérique des ligaments fragilisés par celles-ci, ou encore le contexte, ou l’environnement social avec un entourage qui lui répète que s’il a mal c’est que c’est grave, tout ça, alimente le signal d’alarme. Le cerveau, comme expliqué précédemment, utilise toutes les informations qu’il reçoit, tant des tissus que de l’état émotionnel ou de l’environnement du patient, de l’éducation, des expériences passées: il en fait un message qui lui semble cohérent, ici un message douloureux. Jusqu’à ce qu’on lui mette la preuve sous les yeux qu’il n’a rien de grave, il a peur d’avoir quelque chose: donc il a mal.

BIBLIOGRAPHIE

  1. CFPCO [Internet]. [cité 19 janv 2022]. Disponible sur: https://www.cfpco.fr/video/b61b53df-b0f5-46ed-aede-5344113db780/3.4-strategies-therapeutiques-v2-2020?st=217919ed-548e-4af0-8558-32803944e932

  2. La douleur - Ministère des Solidarités et de la Santé [Internet]. [cité 19 janv 2022]. Disponible sur: https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/article/la-douleur

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L’EXERCICE PHYSIQUE, UN MOYEN DE RÉDUIRE LES EFFETS SECONDAIRES DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ?

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